Cécile Leclerc et les apprentis du CFA Bâtiment de Caen


Après avoir réchappé du bombardement qui tua sa soeur, Cécile Leclerc a contribué à sauver des vies. L’infirmière, née d’une mère allemande, a ensuite partagé les conditions précaires des réfugiés des carrières de Fleury sur Orne. Au milieu de ce chaos, tout pouvait arriver, même un petit Pierre.

De nombreux réfugiés dans les carrières de Fleury sur Orne.
© Mémorial de Caen.
« J'étais infirmière avec ma soeur Thérèse dans un dispensaire près de la rue des Carmes, transformé en clinique, qui a été totalement détruit lors des bombardements.

Dehors, nous entendions continuellement le bruit des avions et les explosions des bombes. Caen était en feu. Le 7 juin vers sept heures du matin, ce fut terrible. Le bruit des bombes, le feu, tout a craqué... J'ai réussi à me dégager des gravats mais je n'ai jamais revu ma soeur Thérèse.
J'ai porté secours à des blessés puis je suis retournée à pied à Fleury sur Orne où j'habitais avec mes parents. Ils voyaient les bombes tomber sur Caen et s'inquiétaient pour nous. Passant devant la prairie, j'ai enjambé des cadavres, parfois une tête par-ci, un bras par-là.
A Fleury, j'ai occupé pendant huit jours un local rue de la Paix pour y soigner des blessés. Mais, lorsqu'à 100 mètres de notre maison, une dame a été tuée par un obus, mon père nous a emmenés nous réfugier dans les carrières de Fleury.

Né dans la carrière

Cécile Leclerc en 1944.
Dans ces carrières, on extrayait des pierres qui étaient utilisées pour les chantiers de la région. De nombreuses personnes eurent l'idée de s'y réfugier lors des bombardements de 1944. On y descendait par trois échelles étroites en fer. Mon père recommandait à tous de ne pas allumer la lumière pour ne pas se faire repérer par les avions américains qui auraient pu nous prendre pour des Allemands ! La vie dans les carrières était rude, mais une grande solidarité y régnait. J'ai même assisté une maman lors de son accouchement au milieu de ce chaos. Ce garçon né dans cette carrière fut appelé Pierre !
Les premiers soldats qui nous virent et qui nous libérèrent fin août 1944 étaient Canadiens. Ils nous jetèrent du haut de la tranchée des médicaments, des cigarettes et des chewing-gum !
Des cris de joie résonnèrent, nous étions libres !

« Pas de boches ici ! »

Ma mère était d'origine allemande. En 1934, à l’âge de 11 ans ans, j'ai découvert le racisme. Mes parents voulaient que j'apprenne l'allemand au lieu de l'anglais à l'école. La directrice a répondu : « Pas de boches ici ! »
Tous les Allemands n'étaient pas des nazis ! Ma mère parlait parfois à de jeunes soldats allemands qui subissaient aussi cette guerre. Nous avons appris par les soldats canadiens qui nous ont trouvés dans les carrières que les échelles avaient été minées et que tout aurait pu exploser à n'importe quel moment. Je suppose qu'un soldat allemand nous avait épargnés. Il ne faut pas juger une personne selon ses origines, il faut la juger selon ses idées ! Toute ma vie j'ai milité en faveur de la paix et de la tolérance. Rien n'est acquis. Tout se bâtit. Vous les jeunes, bâtissez un monde de paix ! »